Les aventures de Polo Le Pékeno – Visite à la tribu des Mégots

Rédigé par Walter Polo Aucun commentaire
Classé dans : Miettes de vert Mots clés : recyclage, mégots

Je suis fumeur. C’est pas bien, je sais. En attendant que j’arrive à arrêter un jour (consultez régulièrement la nécrologie pour savoir), j’ai été jusqu’il y a peu un membre actif de la célèbre Confrérie des jeteurs négligents de mégots. Depuis...

Depuis, comme nous l’ont ressassé récemment les médias, l’écotoxicité des mégots de cigarettes avec filtre n’est plus à démontrer. Pas convaincu ? Prenez la peine de lire, par exemple, l'article Le mégot, un petit déchet, mais un gros problème (mars 2018) sur le site Zéro Déchet Lyon.

S'équiper d'un cendrier portable

Une première démarche, évidente, pour lutter contre le fléau des monceaux de mégots est de collecter ses mégots dans un cendrier portable. Ce type de matériel n'est pas nouveau et on en trouve sur le marché deux grands modèles : les capsules en acier (inox) ou les pochettes en plastique souple.

D’autres modèles ne sont malheureusement proposés qu’en série et donc non disponibles à la commande pour le particulier (on les reçoit souvent lors d’opérations de sensibilisation à la plage, dans une station de montagne ou dans le cadre d’une action municipale…). C’est le cas, par exemple, du très original cendrier en carton LePoket ou d’IdealeBox (en plastique dur recyclé et recyclable). 

Au passage, quel cendrier portable choisir (ceci est purement subjectif, mais partageons notre expérience) ? Je n’ai pas d’avis tranché ; mon principal souci est que j’égare régulièrement mon cendrier portable (quand je ne le retrouve pas dans notre lave-linge). D’où ma décision d’opter pour un modèle avec mousqueton (porte-clé) – jusqu’à présent, je n’ai trouvé que des modèles du type capsule avec mousqueton. Rien d’autre à dire sur ce sujet.

De la décharge au recyclage

Armé de mon cendrier portable, je collecte donc mes mégots et les baque à la poubelle (se défaire de l’automatisme pavlovien du jet de mégot est loin d’être insurmontable).

Collecter me permet de remédier à la pollution visuelle – c’est déjà ça –, mais pas de brider l’écotoxicité  des mégots puisque ma poubelle part à la décharge (bonjour l’enfouissement et la pollution des sols) ou à l’incinérateur (pour un mégot, partir en fumée, quel pied !, mais bonjour la toxicité de l’air...).

Recycler mes mégots est-il possible ? Si j’en crois la note de synthèse de ZéroDéchet Lyon, il existe bien des initiatives de recyclage, mais quand on lit les quelques lignes sur les moyens d'action pour le citoyen, on en est réduit à conclure qu'à moins qu'il existe là où on se trouve une structure publique ou privée organisant la collecte de mégots en vue de leur recyclage, on a guère d'autre solution que de continuer à polluer en les mettant dans sa poubelle (ou toute autre poubelle publique)… 

À cela s'ajoute que, là où elles existent, les initiatives de recyclage de mégots se heurtent à deux difficultés classiques dans le domaine de l’innovation et de l’émergence de filières de recyclage. En premier lieu, la faisabilité économique : il faut des tonnages suffisants pour assurer la rentabilité du procès au-delà de la recherche-développement (n’en déduisez pas que je vous incite à fumer plus pour arriver aux tonnages requis ;-). En second lieu, la faisabilité technique : un article de février 2018 dans Libération, Le recyclage des mégots, idée fumante ou piste fumeuse, éclaire notre lanterne à ce propos.

Une solution pour le particulier

Malgré ces obstacles et incertitudes, quelques recherches superficielles m’ont mené à identifier une possibilité pour le particulier de contribuer au recyclage des mégots. Deux initiatives proposent en effet au particulier des « kits de collecte préaffranchis » qui vous permettent de leur renvoyer un colis de 2 kg de mégots (si vous en connaissez d’autres, signalez-les moi). Ces initiatives sont celles de Mégo! (offre colis éco-retour) et de Greenminded.

Les deux propositions ont un coût : pour un colis préaffranchi de 2 kg, 45 euros TTC chez Mégo!, 47,58 euros avec frais de port chez Greenminded.

Bon, parlons argent : un calcul rapide par rapport à ma conso (20 cigarettes/jour) m’a amené à la conclusion que recycler mes mégots avec ce système me reviendrait à environ 85 euros par an, soit quelque 24 cents par jour. Si vous rechignez à ouvrir votre bourse, d'abord, 24 cents/jour pour recycler vos crapuleux mégots me paraît très raisonnable ; ensuite, cessez de pleurnicher pour l’environnement et ce que nous allons laisser à nos enfants ou assumez les conséquences de vos choix et payez (pollueur payeur). On peut aussi toujours espérer que d’ici quelques années, le tri et la collecte des mégots seront un autre tri pris en charge par la collectivité (soyons cyniques : le coût en sera transféré dans la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, comme cela, même les non-fumeurs payeront pour nous).

Les deux initiatives proposent des cendriers, mais seule Greenminded propose des cendriers portables pour particuliers (dont un avec mousqueton), Mego! se centrant davantage sur les cendriers de collecte pour entreprises et collectivités. 

Mégo! maîtrise la solution technique de recyclage tandis que Greenminded fait appel à un tiers pour le recyclage, en Bretagne (Mégo! très certainement).

L'offre de Mégo! est visiblement un pari sur la mise en place de structures de collecte collectives à long terme et ne vise le particulier qu'à titre accessoire. Greenminded est le bébé de militants bénévoles qui a pris la forme d'une association loi 1901, dont l'objectif est de "démocratiser" la collecte de mégots. Il semble que "démocratiser" signifie ici, rendre plus facilement possible le recyclage des mégots à d'autres que les structures collectives (même si une offre aux organisations est également présente sur leur site).

D'un côté, on peut regretter (et je le regrette) que le modèle économique mis en place par Mégo! ne s'inscrive pas plus franchement dans le cadre plus global d’une démarche « économie sociale et solidaire » (en tout cas, je n’en trouve pas trace sur le site de l'entreprise, or c'est indispensable, selon moi, dans toute démarche d'agir à visée écologique).

De l’autre, on peut regretter une certaine "opacité" de Greenminded ; sans doute est-ce dû à la jeunesse de l’initiative (statuts disponibles sur le site, création en décembre 2017) et au fait qu'elle est le fruit d'une volonté généreuse de particuliers qu'une sensibilité à la cause environnementale a converti en militants bénévoles et enthousiastes. S'il est bien précisé que le bénéfice de tout achat effectué sur le site est reversé à l'association, il nous manque les informations précisant le devenir réel du bénéfice ainsi que la possibilité d'adhérer (seul la possibilité de faire un don est proposé sur le site). Faute d'en savoir plus, le particulier ne peut vérifier ni l'honnêteté des intentions ni participer à la réflexion sur les orientations et le devenir de l'association.

Bilan provisoire de ma visite à la tribu des Mégots

À l’heure d’aujourd’hui, si je veux recycler mes mégots et être cohérent avec mon engagement écologique (non, je n’arrêterai pas de fumer demain, peut-être bien après-demain ?)  :

– je dois avoir la foi dans le fait que la filière a un avenir viable économiquement et arrivera à régler techniquement la question de l’écotoxicité des mégots  ;

– je dois prendre en charge le coût réel de mon addiction et ne pas attendre l’émergence d’une formule de collecte collective  ;

– en tant que particulier, j’ai trouvé une possibilité d’agir ; le faible différentiel dans le coût du service m'oblige à asseoir ma décision en faveur de l'une ou l'autre des deux possibilités existantes sur une réflexion allant bien au-delà du facteur prix  et c'est d'autant mieux !

PS : les fumeurs de tabac à rouler seront peut-être aussi invités un jour à prendre leurs déchets en charge (dans les recherches menées par la filière de recyclage émergente, on distingue déjà au moins conceptuellement pour le traitement des mégots les flux de recyclage papier, tabac et filtre).

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